Monsieur le Ministre des Solidarités,
La FA-FPT est une organisation syndicale représentative de la fonction publique territoriale, présente au Conseil supérieur de la FPT et dont le champ de syndicalisation embrasse toutes les filières, collectivités et établissements publics du versant territorial.
A ce titre, la FA-FPT du Conseil départemental du Pas-de-Calais est fortement impliquée dans le quotidien des professionnels de la Protection de l’Enfance et souhaite vous interpeller sur la situation et le quotidien des professionnels de la Protection de l’Enfance.
Tous les jours notre organisation syndicale côtoie celles et ceux qui œuvrent pour les enfants confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance.
Tous les jours elle soutient, accompagne et aide de son mieux les professionnels à bout de souffle qui se retrouvent dans des situations dramatiques.
Tous les jours elle apporte écoute et renseignement aux collègues en souffrance qu’ils soient travailleurs sociaux ou assistants familiaux.
Depuis des années, nous n’avons pu que constater que les conditions de travail des collègues se sont dégradées et sont devenues déplorables.
Le nombre d’enfants confiés à l’ASE ne cesse d’augmenter et les effectifs des référents sont trop faibles avec de nombreux arrêts maladies. Les tâches administratives pèsent toujours aussi lourd dans le quotidien des professionnels, les notes ou les rapports demandent beaucoup de temps, souvent les professionnels les rédigent chez eux, le soir, le weekend end ou durant leur temps partiel ou même en arrêt maladie. Ils ont un certain nombre d’heures supplémentaires à leur actif, heures supplémentaires qu’il n’est même pas question de vouloir récupérer par manque de temps et par des sollicitations toujours plus importantes.
L’écoute, la rencontre des enfants, le soutien des collègues assistants familiaux sont impactés par la recherche de places en urgence et les transports des enfants par leurs propres moyens.
Aussi le travail avec les parents, les rencontres fratries ou avec les familles élargies sont effectués dans des conditions dégradées par manque de temps.
Depuis des mois voire des années, les référents ont le sentiment de ne plus effectuer un travail de qualité dans le respect des enfants. Ils travaillent en totale contradiction avec leurs valeurs en participant malgré eux à la maltraitance des enfants étant eux-mêmes maltraités par leur collectivité.
Ces collègues qui n’en peuvent plus n’ont d’autre choix que de se mettre en arrêt maladie. Mais ils culpabilisent car ils savent que leur propre charge de travail va être répercutée sur les collègues restant en service. Des services entiers ne sont tenus que par des agents contractuels.
Parallèlement, les collègues assistants familiaux sont de moins en moins nombreux : les informations préoccupantes non fondées pleuvent. Dès qu’il y a une information préoccupante, tout le monde regarde ailleurs et laisse le professionnel concerné et sa famille se débattre pour prouver son innocence et tenter de garder la tête hors de l’eau. Ils n’arrivent pas à surmonter cette épreuve violente et traumatisante (ce qui peut se comprendre) et décident d’arrêter le métier. D’autres ne parviennent plus à faire face aux situations de plus en plus dégradées, à la prise en charge d’enfants avec de très grosses problématiques pour lesquels ils ne sont pas formés, ils démissionnent également. D’autres enfin souffrent tellement à cause de ce métier qu’ils se retrouvent en arrêt maladie et sont ensuite incapables de reprendre le métier. Mais quelles perspectives de reclassement pour un assistant familial devenu inapte ?
Ceux qui tiennent ne savent même pas expliquer comment ils y parviennent.
Le nombre de professionnels diminuant entraine forcément un manque de places trop important. Celles et ceux qui travaillent sont en surcapacité, au maximum de leurs capacités d’accueil. Ils sont à bout de souffle.
Au bout du compte, ce sont les enfants qui trinquent ! Ces enfants que le Département est censé protéger, ces enfants qui attendent tant de la part de tous les professionnels. Ces enfants qui restent dans les locaux des services des journées durant parce que les professionnels ne trouvent pas de place. Ces enfants que les travailleurs sociaux doivent occuper et aider à passer au mieux les journées en attendant qu’une place providentielle se libère.
C’est pour toutes ces raisons que nous venons vers vous aujourd’hui.
Depuis des mois nous interpellons le Gouvernement, les pouvoirs publics, les collectivités pour qu’il y ait des évolutions notables.
Nous venons vous demander de réelles avancées concernant les conditions de travail des collègues.
Nous venons vous demander de donner aux Départements les moyens de faire fonctionner une protection de l’enfance de qualité, avec des moyens humains qui permettront d’alléger les charges de travail des collègues et d’augmenter le nombre de places chez les assistants familiaux.
Nous venons vous demander de donner aux Départements les moyens nécessaires à la création massive de places en établissement afin d’y accueillir tous les enfants qui ne peuvent trouver leur place en accueil familial.
Pour rendre les métiers attractifs, nous revendiquons :
- Pour les Assistants familiaux : l’intégration dans la Fonction publique conformément aux travaux de la Formation Spécialisée n°3 du CSFPT, la revalorisation des allocations et indemnités sur l’ensemble du territoire. Le paiement doublé des jours fériés car les assistants familiaux travaillent tous les jours fériés.
- Pour les assistants socio-éducatifs : la création d’une réelle grille de catégorie A avec une évolution de carrière digne de ce nom. La possibilité de récupérer réellement leurs heures supplémentaires.
- Pour protéger les collègues assistants familiaux, l’obligation pour tous les Départements de mettre en place la présomption d’innocence.
- Pour respecter le temps de travail des Assistants familiaux : le droit à la déconnexion (départ des enfants accueillis un week-end par mois imposé aux Départements. Week-end payé à l’assistant familial qui voit les enfants partir et évidemment payé pour l’assistant familial qui prend le relai) : prévu dans la Loi de février 2022 comme une possibilité et non une obligation : il faut une obligation pour les Départements.
Il est urgent d’agir ! Il est urgent de revenir à l’essentiel, à l’humain, à la protection de toutes et tous (enfants, professionnels de la protection de l’enfance).
La conjoncture et les conditions de vie de plus en plus difficiles des familles ne s’amélioreront pas et elles impacteront encore plus fortement les conditions de prises en charge des enfants, leur accueil, les conditions de travail des professionnels.
C’est en toute connaissance de la réalité du terrain et des conditions de travail des collègues mais aussi de leurs attentes que nous vous invitons si vous le souhaitez à venir nous rencontrer dans le Pas-de-Calais afin d’échanger et de trouver des solutions.
Vous pourrez ainsi constater avec quel professionnalisme ils travaillent au quotidien, avec quel respect et sens du service public ils accompagnent les enfants au quotidien, essayant de leur apporter la bienveillance, l’aide et le soutien dont ils sont encore capables au vu de leurs conditions de travail.
Espérant que nos difficultés et nos attentes trouveront en retour de votre part un regard attentif et bienveillant, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, nos respectueuses salutations.
La Secrétaire Générale,
Sandrine Trépié