Madame la Défenseure des droits,
Nous avons appris par la presse que vous avez été saisie par des magistrats sur l’état de la protection de l’enfance dans le Nord et la Somme.
La FA-FPT CD62 ne représente certes pas de magistrats mais nous sommes une organisation syndicale qui œuvre pour améliorer les conditions de travail des professionnels de la protection de l’enfance et la protection des enfants bien évidemment.
Ainsi nous nous permettons de vous écrire aujourd’hui pour vous alerter sur l’état déplorable de la protection de l’enfance dans le Pas-de-Calais.
Nous alertons le Département depuis des mois sur le manque de moyens humains qui plonge l’ensemble des professionnels de la protection de l’enfance dans des souffrances et des détresses qui ne sont pas acceptables.
Les professionnels ne sont pas assez nombreux dans les services et croulent sous la charge administrative, le nombre d’enfants trop important par professionnels et les charges de travail qui s’ajoutent dès lors que certains sont en arrêt maladie, à bout et malmenés.
Par manque de places pérennes certains enfants restent à la journée sur les sites et les professionnels se retrouvent à devoir les occuper à la journée, ils courent pour les nourrir et ensuite doivent les transporter vers un lieu de couchage d’où ils devront les récupérer le lendemain pour recommencer une journée sans fin dans les mêmes conditions. Ils rentrent chez eux à des heures qui ne sont pas acceptables (23h-minuit) afin d’aller déposer des enfants chez un assistant familial qui se retrouve à accepter un enfant au pied levé dans l’urgence pour qu’il ait un couchage correct pour la nuit. Ces conditions de travail toujours dans l’urgence amènent les travailleurs sociaux à délaisser leur propre famille pour assumer leurs missions de protections de l’enfance : voici toute l’ironie de leur situation actuelle.
Comme ils sont occupés par les recherches de places et les transports, ils n’ont pas le temps de faire leurs rapports et les rédigent le soir, les week-ends et les vacances et même pendant leur arrêt maladie.
Les professionnels ont été contraints d’abandonner leurs missions de prévention et la construction des projets avec les enfants, ceci contre leurs valeurs, contre les valeurs véhiculées par leur profession.
Les enfants souffrent de cette situation, de ne pas avoir de lieu d’accueil stable.
Ils sont promenés des sites aux lieux d’accueils et inversement. Certains sont déscolarisés.
Les assistants familiaux partent à la retraite, quittent le métier et sont de moins en moins nombreux.
Le nombre de places forcément diminue également et pour rendre service aux services ils acceptent d’accueillir des enfants en surcapacités (nombre d’accueil plus important que celui qui leur est octroyé par leur agrément délivré par la PMI du Conseil départemental). Que se passerait-il en cas d’accident en ayant un nombre d’enfants accueillis trop importants ?
Les professionnels dans leur ensemble ne supportent plus d’exercer leurs missions dans de telles conditions et ont le sentiment de participer à la maltraitance des enfants. Ils tentent de garder la tête hors de l’eau mais tout est fait pour la leur enfoncer.
Nous avons bien conscience que le Département dans son rôle de chef de file de la protection de l’enfance ne peut tout faire à lui seul et qu’il a besoin de moyens financiers pour développer les moyens humains selon les besoins des enfants et leur nombre de plus en plus important. Il faut donner des moyens au Département, rapidement, pour qu’il puisse embaucher, rendre les métiers plus attractifs et permettre aux professionnels de revenir à leur cœur de métier.
C’est pourquoi nous alertons les pouvoirs publics : nous avons écrit au Ministre des Solidarités et à la Secrétaire d’Etat chargée de la protection de l’enfance. Nous les avons alertés sur les conditions de travail des professionnels qui n’arrivent plus à protéger les enfants. Nous nous rassemblons régulièrement devant l’hôtel du Département à Arras, nous alertons les élus du Département, nous avons rencontré le Préfet à l’occasion de la journée mondiale du travail social. Nous faisons le maximum pour que chacun prenne conscience des conditions d’exercice de ces missions qui ne peuvent plus durer.
On entend parler de la protection de l’enfance et de la création du Comité interministériel par le gouvernement mais nous avons besoin de faits, nous avons besoin d’aide, nous avons besoin que ces mots ne restent pas vains et nous en avons besoin en urgence.
Nous avons besoin de vous.
Espérant que notre cause retiendra également votre attention, nous vous prions d’agréer Madame la Défenseure des droits, nos salutations respectueuses.
La Secrétaire Générale,
Sandrine Trépié
Nous avons joint notre courrier à la Secrétaire d’Etat pour information à la Défenseure.