Mais sommes-nous les plus à plaindre ? Les enfants placés dans le Pas-de-Calais ont-ils moins que les autres ? Le département dépenses moins pour l’ASE que les autres ?
Retrouvez les précédents articles :
1)Département du Pas-de-Calais : toujours moins pour l’Aide Sociale à l’Enfance?
2)ASE: toujours plus d’enfants, toujours moins de moyens?
3)Assistant familial : le minimum légal comme règle d’or ?
4)De moins en moins de famille d’accueil?
5)Agrément à la tête du candidat ?
6)De plus en plus de placements en établissements
7)Quel coût de placement en établissement ?
8)De moins en moins de travailleurs sociaux
9)De moins en moins de prévention
D’où viennent les données ?
Depuis l’adoption des lois de décentralisation en 1983, qui ont conféré aux départements la majorité des responsabilités liées à l’aide sociale, y compris l’aide sociale à l’enfance (ASE), les autorités locales sont tenues de compiler et de fournir à l’État les statistiques correspondant à ces responsabilités. Par conséquent, à partir de 1984, le Service des statistiques, des études et des systèmes d’information (Sesi), puis la DREES à partir de 1998, ont commencé à recueillir chaque année auprès des conseils départementaux des informations sur les bénéficiaires de l’aide sociale, le personnel de ces autorités et les dépenses liées à l’aide sociale départementale. En ce qui concerne les bénéficiaires de l’ASE, les informations collectées concernent le type de mesures prises (action éducative à domicile ou en milieu ouvert, placement), le nombre d’enfants confiés à l’ASE, le nombre de placements directs et les types de placement (famille d’accueil, établissement, etc.). Étant donné que l’unité de mesure est la prestation/mesure au 31 décembre, un enfant peut être compté plusieurs fois s’il bénéficie de plusieurs prestations ou mesures.
Des données qui viennent directement du Conseil Départemental
Ces publications sont donc officielles et neutres. Elles sont donc très intéressantes pour savoir où se situe le département par rapport à ses voisins et par rapport à la moyenne nationale.
Nous avons particulièrement étudié le tableau : Dépenses ASE totales brutes de placement dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance (ASE), frais de personnel exclus, hors ceux d’assistants familiaux.
Premier constat : Le Conseil départemental du Pas-de-Calais est passé d’une dépense par placement en 2008 de 28 460€ (soit 35 308€ d’aujourd’hui avec l’inflation) à une dépense par placement de 24 508€ (soit 26 447€ d’aujourd’hui avec l’inflation) en 2020.
Une diminution du budget par placement de 2 000€ brut et même de presque 12 000€ avec l’inflation !!!
Et par rapport aux autres départements, le CD62 qui était le 26eme département qui dépensait le moins en 2008, il est aujourd’hui le 4eme département qui dépense le moins par placement… Une longue mais régulière descente au classement qui explique la situation de l’aide sociale du Pas-de-Calais.
Et comme le montrent les graphiques, les départements voisins sont tous bien mieux lotis !
Le département de la Somme a des dépenses plus élevées et plutôt stables depuis 2008 ce qui lui permet d’être bien mieux placé dans le classement.
Pour le Nord, les dépenses par placement ont augmenté pour suivre plus ou moins l’inflation avec par conséquence un classement à des années lumière du Département du Pas-de-Calais.
Et au niveau national ?
En 2008, la moyenne en France métropolitaine était de 33 115€, en 2014 la moyenne est passé à 36 519€ et en 2020 elle est arrivée à 36 362€.
Au niveau national les dépenses ont augmenté jusqu’au milieu des années 2010 avant de légèrement diminuer en 2019 et 2020.
Le Conseil départemental du Pas-de-Calais a toujours été bien en-dessous de la moyenne nationale et s’en éloigne d’année en année.
Et pour les agents socio-éducatifs ?
Nous avons décidé de comparer les nombres d’agents socio-éducatifs par rapport au nombre total d’enfants accueillis à l’ASE dans notre département par rapport au département voisin.
Nous avons compté en ETP (Equivalent Temps Plein) pour que les résultats ne soient pas influencés par un taux de temps partiel différent entre deux départements :
Premier constat, comme l’avait déjà laissé entendre un précédent article, la situation se dégrade.
Alors qu’en 2014 un ETP d’un agent socio-éducatif s’occupait de 9,65 enfants, en 2020 il devait s’occuper de 12,67 enfants.
Une hausse de la charge de travail de plus de 30%!
Mais surtout le CD62 était déjà moins bien loti que ses voisins, l’écart s’est encore creusé au fil des années! Les agents de Conseil Départemental du Pas-de-Calais ont 30 à 50% de charge de travail en plus par rapport aux départements voisins !
Une perte de sens dans leur travail
Il y a aussi une perte de sens dans le travail des agents socio-éducatif. Ils se retrouvent avec des OPP (ordonnance de placement provisoire) et des AP (Placement administratif) non exécutés !
Quand on décide de travailler dans le social, comme dans beaucoup d’autres métiers où la relation humaine est au cœur du travail, c’est par vocation. Il ne s’agit pas d’un travail alimentaire !
C’est souvent très difficile pour ces agents de faire un gros travail avec la famille et les enfants pour au final ne pas pouvoir protéger ces enfants faute de place disponible.
Leur travail perd son sens, et ce sont des métiers qui ne sont pas tenables si ils n’ont plus de sens. Ils ne se sont pas engagés dans cette voix pour faire de l’administratif ou passer leur journée au téléphone pour chercher désespérément une solution de placement de quelques jours.
Les agents nous le disent : le département n’est plus attractif! Les éducateurs fuient les services enfance quitte à rester sans emploi….
Il y a 5 ans déjà lors de réunions, la DRH évoquait le nombre de demandes de reconversion des assistants socio-éducatifs. Avec une situation qui se dégrade d’année en année pourquoi ces agents voudraient-ils rester dans des services de l’ASE où il y a des conditions de travail pour le moins dégradées et dans lesquelles ils ne se reconnaissent plus dans les valeurs ?
Et par rapport aux Départements millionnaires en habitants ?
Comme déjà évoqué dans un précédent article, le Département aime être comparé à des départements qui ont, comme lui, plus d’un million d’habitants.
Nous avons donc pris les 10 départements les plus peuplés de France, le Pas-de-Calais et le niveau national.
Premier constat, partout ou presque le nombre d’enfants par agent socio-éducatif augmente, ce qui explique la tension de plus en plus forte à l’Aide Sociale à l’Enfance en France.
Mais le pire est que malgré la dégradation dans tous ces départements, en 2020 aucun n’est encore dans une pire situation que le Pas-de-Calais en 2014!
Et la situation dans le Pas-de-Calais ne s’est pas améliorée, l’écart avec les autres Conseils Départementaux est un peu près le même…
La situation s’est donc aggravée comme dans les autres départements mais elle est bien pire dans le Pas-de-Calais!
Et pour les dépenses de prévention ?
Pour les dépenses de prévention, si nous comparons à nos départements voisins et au niveau national on constate que le CD62 est bien en-dessous de la moyenne nationale et tous les autres départements font mieux en dehors de l’Oise :
Seule l’Oise dépense donc moins que le Pas-de-Calais, mais leur taux de mesures (mesures de placements et actions éducatives dans la population des 0-20 ans) est presque deux fois inférieur à celui de Pas-de-Calais.
Les autres département font tous mieux ou largement mieux que le 62.
Le Département aime souvent se comparer aux autres départements millionnaires en habitants, la comparaison est parfois plus logique (l’Oise a presque deux fois moins d’habitants que le Pas-de-Calais et une densité de population de 142 habitants au km2 contre 219 habitants au km2 dans le Pas-de-Calais.)
Là encore le département est dans les mauvais élèves ! Seule la Haute Garonne, qui faisait un peu mieux que le Pas-de-Calais jusqu’en 2013, a presque réduit ses dépenses de prévention ASE à néant. La Loire Atlantique est très proche du 62, les autres départements ont un budget de prévention par habitant 1,5 à 4 fois supérieur à celui de Pas-de-Calais.
Et pour les dépenses actions éducatives ?
Le département est bon dernier! Seul le département du Nord a fait pire pendant 2 années mais a depuis réinvesti largement plus que le Pas-de-Calais.
On a de nouveau comparé aux autres départements millionnaires en habitants pour une comparaison plus juste :
Encore une fois, même s’il n’est pas le dernier de la classe, le département fait partie des mauvais élèves et reste en-dessous de la moyenne nationale. Les dépenses ASE du CD62 sont parmi les plus faibles de France
Des enfants qui arrivent plus abimés ?
Un budget pour les actions éducatives en-dessous de la moyenne et des dépenses de prévention ASE ridicules qui pourraient expliquer le taux élevé de placements et le fait d’avoir des enfants qui arrivent dans l’ASE toujours plus abimés.